RD CONGO : de quoi se mêlent Sassou Nguesso et Ali Bongo ?

Depuis qu’il a rendu publique sa décision de ne pas briguer un troisième mandat, Joseph Kabila reçoit les félicitations de partout. Alors que beaucoup s’en méfiait ces derniers mois, le président congolais devient subitement le sage au côté de qui tout le monde aimerait s’afficher ou que chacun souhaiterait congratuler. C’est ainsi qu’il a dernièrement reçu le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, officiellement venu pour le remercier. Puis, hier, s’est tenu à Luanda un mini-sommet sous-régional avec la RDC et le Soudan du sud au menu. Réunissant autour du président angolais, Joao Lorenço, les présidents Denis Sassou Nguesso du Congo, Ali Bongo du Gabon et les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de l’Ouganda, la rencontre a pris fin avec une déclaration félicitant, elle aussi, Joseph Kabila pour sa sage décision. Cependant, de la part de certains participants au sommet, cette démarche est illégitime. On pense notamment à Denis Sassou Nguesso qui a tripatouillé la constitution dans son pays, et Ali Bongo dont la dernière élection n’était pas des plus honnêtes.

Oasis

Certes, on ne dénie pas à Joseph Kabila, le droit à un satisfécit. Il n’avait pas trop le choix, mais il a été bien avisé de ne pas en rajouter à la folie. Toutefois, certains de ceux qui s’autorisent aujourd’hui à apprécier ce choix ne sont pas fondés à le faire. Ayant eux-mêmes pris des options diamétralement opposées, ils n’en ont certainement pas la légitimité. A vrai dire, dans la région de l’Afrique centrale où les régimes démocratiques  passent pour une oasis au milieu du désert, ceux qui sont aptes à juger Kabila ne sont pas légion. D’ailleurs, on imagine que c’est ce pourquoi les présidents rwandais et ougandais n’ont pas fait le déplacement de Luanda pour prendre part au sommet. Ayant eux-mêmes modifié la constitution dans leurs pays respectifs, Paul Kagamé et Yoweri Museveni avaient conscience qu’ils n’avaient pas nécessairement leur place dans une rencontre où il serait question de tresser des couronnes pour un homologue qui s’est plié à la limite prescrite par la charte nationale de son pays. De leur part, c’était au moins cohérent.

Décence

Malheureusement, de cohérence, Denis Sassou Nguesso et Ali Bongo ne s’en sont guère préoccupés. Faisant une abstraction totale de ce qu’ils sont, les dirigeants congolais et gabonais, ont pris part à la rencontre et ont commenté les événements en RDC. Pourtant, chacun d’eux traine des casseroles suffisamment sales pour ne pas avoir à se faire passer pour le saint qu’il n’est pas. Le contraste est notamment plus flagrant de la part de Sassou Nguesso. Alors qu’il avait fait sauter le verrou constitutionnel qui limitait le nombre de mandats dans son pays et qu’à l’occasion, il avait arrêté des opposants et coupé internet, il devait se gêner d’adresser la moindre félicitation à Kabila. Venant de lui, toute appréciation positive touchant à la question de la limitation de mandat a un goût particulièrement indigeste. Aussi, qu’il ait la décence de ne pas en parler.

« sa vérité des urnes »

Son homologue gabonais, lui, n’a pas modifié la constitution. Mais c’est tout comme. Car la dernière élection dont il est sorti vainqueur n’en était tout simplement pas une. La triche avait été si flagrante que le camp du président sortant, pris au dépourvu,  n’avait pas pu y mettre la forme. Et si Ali Bongo Ondimba occupe aujourd’hui le fauteuil, c’est moins du fait des électeurs que de celui d’une armée à la solde d’un individu et d’une Cour constitutionnelle tout aussi acquise à la cause du même individu. On n’oubliera pas que quelques Gabonais avaient été sacrifiés pour que le Prince puisse imposer sa vérité des urnes. Bref, le président gabonais, lui non plus, n’est pas issu d’un processus particulièrement démocratique. Et il en découle que lui aussi, n’est pas particulièrement le mieux indiqué pour adresser des félicitations au président Kabila.

Boubacar Sanso Barry

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