Pour les bébés africains, des premières années semées d’embûches

L’Afrique au défi de la santé infantile (1/9). Alors qu’un enfant subsaharien sur treize meurt avant l’âge de 5 ans, « Le Monde Afrique » restitue les actions menées pour améliorer la condition des tout-petits.

Alors qu’en Afrique, continent le plus jeune de la planète, les moins de 15 ans dépasseront le milliard d’ici à 2055, quel statut y réserve-t-on aux bébés et aux jeunes enfants ? Si l’on est loin de « l’enfant roi » des pays du Nord – où le niveau de vie et la faible natalité en ont fait un petit être choyé et surprotégé –, la place symbolique des enfants africains est doucement en train de s’élargir : de moins en moins simples numéros dans une fratrie, ils sont de plus en plus considérés comme des êtres sociaux en devenir, des individus à part entière, à mesure que s’installent les prémices d’une transition démographique. Un processus lent, comme le rappelle l’anthropologue Yannick Jaffré, qui travaille depuis des années sur l’Afrique de l’Ouest : « La démographie bouge, certes, mais assez doucement pour que la femme ait encore besoin d’être mère pour acquérir un statut social. »

Le chemin à parcourir est encore long. Et pour l’heure, l’urgence pour de nombreux bébés subsahariens reste d’abord d’échapper à une mort précoce : en 2018, dans cette zone, un enfant sur treize est décédé avant son cinquième anniversaire – soit un taux de mortalité quinze fois plus élevé qu’en Europe, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si les décès avant 5 ans ont diminué de 58 % sur la planète entre 1990 et 2017, l’Afrique concentrait encore plus de la moitié des 5,4 millions de morts juvéniles en 2017.

Améliorer l’espérance de vie sur ce continent, c’est donc commencer par s’occuper de la toute petite enfance, puisque sur dix décès avant 15 ans, huit ont lieu avant l’âge de 5 ans et que sur ces huit morts, la moitié intervient même au cours du premier mois de vie. Pour avoir des chances d’atteindre l’âge adulte, un nouveau-né doit éviter la prématurité (11 % des décès), les infections des suites d’accouchement (11 %), les infections respiratoires (danger le plus immédiat qui cause 14 % des décès du premier mois), la malaria (10 %), les diarrhées (6 %)…

Scolarisation accrue

Le Fonds français Muskoka (partenaire du Monde Afrique), qui intervient dans huit pays africains (Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Tchad, Mali, Guinée et Niger), tente de relever ce défi en multipliant et en diversifiant les actions qui permettent d’améliorer la condition des tout-petits. Ce fonds, qui s’appuie entre autres sur l’Unicef et l’ONU-Femmes, travaille à la popularisation de la méthode « kangourou », à la surveillance de l’hypothermie des prématurés par un bracelet électronique, à la mise en place d’une boucle WhatsApp entre médecins pour discuter des cas les plus difficiles dans les villages inaccessibles…

L’Afrique de l’Ouest bruisse d’expériences où les cultures traditionnelles se marient à une approche plus aseptisée et quasi mondialisée de la petite enfance, dans laquelle la médecine devient centrale. Il y a urgence, car sans ces efforts tous azimuts, 31 millions d’enfants africains sont statistiquement condamnés, d’ici à 2030, à mourir sans avoir soufflé leurs cinq bougies.

Des chiffres qui font peur mais masquent des évolutions. Car peu à peu, des batailles sont gagnées et le statut des enfants africains change. A la faveur de l’urbanisation, qui va de pair avec une scolarisation accrue et un accès à la télévision, ils se font une place dans la société et donc dans leur propre famille. « La première marque de ce changement peut se lire dans l’application accrue des familles à choisir un prénom pour leur enfant, quand hier il pouvait être baptisé par le marabout ou prendre le nom que le calendrier proposait le jour de sa naissance », observe Yannick Jaffré.

Un puissant mouvement est à l’œuvre en Afrique de l’Ouest, qui ébranle par ricochets tous les équilibres sociaux, y compris la place des vieillards, hier plus proches des jeunes générations et aujourd’hui coupés d’eux par l’école. « Monsieur » et « Madame » bébé sont en train de s’imposer, reste à les accompagner en luttant efficacement contre la mortalité périnatale ou infantile.

Le Monde

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