Patrice Talon à l’Elysée : L’Afrique ou l’appel de l’extérieur

Le Président Patrice Talon à l’Elysée. La question au centre de ses échanges avec son hôte français est claire.

Comment mettre fin à l’exil forcé de notre mémoire collective à travers nos biens culturels rendus au triste destin de trophées de guerre et embastillés depuis dans les musées de France et de Navarre ?

Il n’y a rien d’illégitime à réclamer son dû ou son bien. Mais le Chef de l’Etat béninois, dans sa juste revendication, n’a touché qu’à l’un des maillons d’une longue chaîne. Il y a, en effet, une foule d’autres choses dont on nous a dépossédés, parfois avec notre tacite complicité. Ici et là, c’est l’extérieur qui gouverne. C’est l’extérieur qui nous gouverne.

1 – Nos ressources humaines. L’actualité bruit des cris de détresse d’Africains fuyant la misère dans leurs pays. Aussi se jettent-ils sur les routes problématiques de l’Occident. Au prix de mille et unes déconvenues. Au risque d’être vendus comme esclaves ou de crever dans les abysses de la Méditerranée.

Cette vague d’émigrés africains miséreux n’a pas tari le flux d’autres émigrés africains plus favorisés par la vie, ces victimes du syndrome de “la fuite des cerveaux”. Il s’y ajoute la cohorte des opposants politiques. Pour ceux d’entre eux qui ont pu échapper à l’infernale machine à broyer, autant être sur terre que d’être sous terre, autant trouver le salut en terre étrangère. Comme on le voit, ici et là, c’est l’Afrique qui se vide de son sang : une dramatique hémorragie commandée par un puissant appel d’air de l’extérieur.

2 – Nos ressources naturelles. Le pacte colonial autoritairement imposé par l’extérieur a décidé du destin de nos ressources naturelles du sol et du sous-sol. Café, cacao, arachide, coton, fer, bauxite, cuivre et autre uranium suivent un trajet imposé par une inique division du travail, dans le cadre d’un inacceptable échange inégal. Ici, c’est l’extérieur qui fixe le prix de ce que nous sommes censés lui vendre. Ainsi, nous produisons ce que nous ne consommons pas. Nous consommons ce que l’extérieur se fait fort de produire pour nous. Autant nous interroger pour savoir qui nous sommes, dès lors que notre bouche n’a plus d’identité propre, dès lors que notre tube digestif est aux ordres de l’extérieur.

3 – La monnaie. La plupart de nos pays s’en sont remis à l’étranger pour ce précieux outil, le baromètre de toute économie qui se respecte. Une irresponsabilité voulue et assumée au nom d’une soi-disant “sécurité monétaire”. C’est un déni de souveraineté. Cela renvoie à l’image du prisonnier amoureux des barreaux de sa cellule. A la vérité, nous payons cher le refus de nous unir pour être plus forts à l’interne, pour nous imposer et nous en imposer à l’extérieur. Tenons-le pour dit : l’extérieur se nourrira et s’engraissera toujours à la source de nos divisions.

4 – La culture. Nous voici devenus “Peau noire, masques blancs”, après que nous eûmes renoncé à être nous-mêmes, à penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes. C’est tellement plus confortable de penser avec la tête des autres ; de regarder la vie à travers les yeux des autres ; de goûter à la vie ou, comme on le dit chez nous, “de manger la vie” avec la bouche des autres ; de sentir l’univers avec le nez des autres ; d’entendre la symphonie de la nature au détour des oreilles des autres ; de palper la réalité du monde par procuration. Quand on s’est ainsi dépouillé de tout au profit de l’extérieur que reste-il encore de soi ? Une image évanescente au crépuscule d’un jour. Un mirage qui se dissipe pour toujours dans l’immensité stérile du désert.

5 – Nos espérances. Celui qui est capable de tirer un trait sur sa mémoire, donc sur son passé, est déjà dans la disposition d’esprit de faire migrer ses espérances vers les paradis de l’extérieur. Dès lors qu’il estime son avenir au chaud là-bas, il n’a plus de raison de se donner des racines, ici. Pas d’engagement pour changer l’ordre des choses. Pas de motivation particulière pour voir les choses changer. Pas de prise de participation dans un quelconque changement. Il est en colonie de vacances, après qu’il eut fait placarder devant sa demeure “pour vivre heureux, vivons cacher”. Avec la bénédiction de l’extérieur. En intelligence et en complicité avec l’extérieur. Ite misa est. La messe est dite

Source:lanouvelletribune

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