Libye: une frappe américaine vise un chef de l’EI à Bani Walid

En Libye, un drone a visé ce mercredi 6 juin, peu après minuit, un responsable de l’organisation Etat islamique. Il s’agit d’Abou Muslim le Libyen, un chef de l’EI qui avait fui Syrte en 2016 pendant l’offensive des milices de Misrata.

Africom, le commandement militaire américain pour l’Afrique, vient de le confirmer annoncant que cette frappe est menée en coordination avec le gouvernement d’union nationale en Libye. L’EI avait fait de Syrte, entre 2014 et 2016, sa capitale en Libye, et avait commis des atrocités énormes contre les civils.

C’est une « frappe de précision » assure le très court communiqué d’Africom, affirmant que quatre militants de l’EI en Libye ont été tués. Le communiqué ne donne pas le nom de la cible visée.

Mais il s’agit d’Abdel Ati Chtioui Abou Setta, alias Abou Muslim al-Liby, aussi connu sous le nom d’al-Kiwi. Il circulait à bord d’un 4×4 avec trois autres personnes près de chez lui, à 35 km à l’ouest de Bani Walid. Les corps ont été transportés à l’hôpital de la ville.

A l’époque du colonel Kadhafi, Abdel Ati Chtioui était déjà passé par la case prison pour ses activités jihadistes. Après 2011, il était devenu un des leaders d’Ansar al-Charia, groupe notamment accusé de l’assassinat de l’ambassadeur américain à Benghazi en 2012.

Il avait ensuite combattu en Syrie et en Irak avant de regagner la Libye début 2014. A Syrte, il était l’un des chefs de l’EI, chargé notamment de la logistique de l’organisation ainsi que de la communication avec les autres groupes jihadistes  en Libye.

La troisième frappe américaine en Libye depuis l’arrivée de Donald Trump

La nouvelle frappe américaine, qui a visé dans la nuit de mardi à mercredi 6 juin un chef de l’organisation Etat islamique près de la ville de Bani Walid, est la troisième en Libye depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en janvier 2017.

Cette frappe répond aux demandes récurrentes formulées par le gouvernement d’union nationale dirigé par Fayez al-Sarraj. Plusieurs responsables libyens avaient lancé dernièrement des avertissements mettant en garde sur le retour de l’EI dans certaines zones du pays. Lors de l’offensive contre Syrte, alors bastion de l’EI, de nombreux jihadistes avaient fui vers le sud du pays.

Durant les dernières semaines, des attroupements des jihadistes ont été remarqués aux alentours d’Ajdabiya, ville de l’Est libyen ouverte sur la route menant au désert du Sud ; près de Tripoli, la capitale, dans l’ouest ; ainsi qu’au sud de Syrte dans le centre du pays.

Le comandant de l’Africom était à Tripoli le 31 mai

La possibilité d’une réorganisation de l’EI en Libye inquiète le gouvernement de Tripoli. Ce gouvernement avait à nouveau fait part de son souhait à Africom d’accentuer les frappes contre l’EI. Demandes renouvelées le 31 mai, lors de la dernière rencontre, à Tripoli, entre le chef d’Africom, le général Thomas Waldhauser et Fayez al-Sarraj.

Africom, dans son communiqué de mercredi, affirme qu’il maintiendra la pression sur les réseaux terroristes dans la région.

Cette déclaration signifie-t-elle une accélération des frappes ? Rien ne le présage, car depuis l’arrivée du président américain Donald Trump au pouvoir, en janvier 2017, seulement trois frappes ont été menées en Libye.

La première frappe a eu lieu en septembre 2017, au sud de Syrte. Elle a visé un attroupement de l’EI. La deuxième en mars cette année, à Oubari à l’extrême sud du pays, visant un jihadiste algérien de l’EI. Et la dernière mercredi à Bani Walid laisse présager qu’Africom se borne à exercer une pression dissuasive sur les jihadistes, faute de les éliminer.

■ L’ONU salue la perspective d’élection en Libye… sans pour autant mentionner de date

Mercredi, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé un texte endossant la déclaration de Paris le mois dernier. La conférence internationale sur la Libye organisée à Paris a prévu des élections présidentielles et législatives avant fin 2018. Les quatre principaux protagonistes du conflit libyen s’étaient alors engagés à organiser des élections le 10 décembre pour sortir leur pays du chaos.

Mais le texte adopté hier à l’unanimité par les quinze membres du Conseil de sécurité ne mentionne pas cette date du 10 décembre.

Pour le chercheur Jalel Harchaoui, de l’Université de Paris 8, cela montre que certains membres du Conseil de sécurité n’approuvent pas le calendrier proposé par la France.

« Le fait qu’en mai on décide que ce soit entièrement fait [d’ici décembre, ndlr], les élections présidentielles, parlementaires avec le fait de devoir construire le rôle de président d’un point de vue constitutionnel, tout cela avant la fin de l’année, la plupart des experts en Libye ont réagi négativement parce que pour eux ce n’est pas faisable, pas réaliste. Ils ne s’inquiètent pas seulement de manquer les échéances, ils connaissent bien le comportement des acteurs libyens quand il s’agit de récupérer le discours des Etats étrangers et arrivent à instrumentaliser ça pour faire triompher leur agenda politique. Donc quand on connaît toutes ces habitudes là, on arrive à imaginer tous les scénarios négatifs, tous les dérapages, et souvent, ce sont des scénarios violents qui peuvent gâcher le calendrier sur lequel tout le monde s’est mis d’accord d’un point de vue théorique à Paris. Les Américains se sont exprimés de manière négative sur cet empressement français. Je ne dis pas que le programme électoral était voué à l’échec à 100%, je dis que c’était un pari qui avait de fortes chances de déraper. »

 RFI

Suivez-nous sur Facebook sur