Le Sahel et l’Afrique de l’Ouest enchaînent les coups de force militaires

Les miltaires sont apparus à la télévision nationale et ont annoncé avoir “mis fin au pouvoir” du président Kaboré. Le Sahel et Afrique de l’Ouest sont le théâtre depuis un an et demi d’une série de coups de force. Les officiers qui prennent le pouvoir se justifient en invoquant l’inaptitude des dirigeants civils face aux jihadistes ou le discrédit des pouvoirs en place.

Sur le plateau de la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB), les militaires déclarent solennellement vouloir remettre le pays “sur le bon chemin.” Le président Kaboré a été renversé. Il est le quatrième chef d’État, après le Mali, le Tchad et la Guinée, avoir été écarté du pouvoir par l’armée.

Un quatrième coup d’État

Le président Kaboré aura connu le même sort que ses homologues malien Ibrahim Boubacar Keïta et guinéen Alpha Condé, que des colonels étaient venus cueillir en août 2020 et septembre 2021.

 

Le Mali a connu un nouveau putsch en mai 2021. C’est sans compter le fait accompli créé en avril 2021 au Tchad avec la prise de pouvoir du général Mahamat Idriss Déby Itno. Entre Afrique de l’Ouest et Sahel, tous ces pays sont désormais sous la direction d’une junte.

En Guinée, après deux ans de crise politique, les forces spéciales derrière le colonel Mamady Doumbouya ont capturé le président Condé pour mettre fin à “la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique” ou encore “le piétinement des droits des citoyens“. Au Tchad, un fils a pris la place de son père.

 

Au Mali, le changement de régime a été précédé par des mois de contestation contre l’impuissance ou l’inertie des autorités devant la propagation des violences de toutes sortes, la pauvreté et la corruption.

Le Burkina Faso est en proie à une même exaspération devant l’incapacité à faire face aux agissements jihadistes. Des soldats se sont mutinés dimanche 23 janvier dans plusieurs casernes pour réclamer le départ des chefs de l’armée et des moyens adaptés à la lutte contre les groupes radicaux.

Partis du nord du Mali en 2012, les groupes jihadistes aujourd’hui affiliés à Al-Qaïda ou à l’organisation État islamique ont étendu leur champ d’action au centre et au sud, et aux Niger et Burkina Faso voisins.

 

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Malgré le soutien militaire et financier international, les Etats sahéliens, parmi les plus pauvres au monde, sont dépassés.

“Très forte désillusion démocratique”

La prise du pouvoir par les militaires est le fruit d’une “très forte désillusion démocratique au sein des opinions publiques” selon Niagale Bagayoko, présidente du think-thank African Security Sector Network (ASSN). “Aujourd’hui, qui considère, à part les partis politiques eux-mêmes, qu’aller voter va avoir un impact sur la situation, autant individuelle que sécuritaire au Sahel ?“, interroge-t-elle.

Il semble qu’une page est en train de se tourner pour les vétérans de la politique ouest-africaine aux politiques publiques non appliquées et aux promesses non tenues. 

Fonctionnaire de l’ONU

Au Faso, Roch Marc Christian Kaboré a certes été réélu en 2020. Il promettait que la lutte antijihadiste serait la première des priorités de son second mandat. Les massacres et attaques se sont pourtant poursuivis comme à Inata le 14 novembre et qui a fait 57 morts, dont 53 gendarmes.

 

La détérioration du contexte sécuritaire (…) a autant exaspéré les populations civiles que les forces de défense et de sécurité“, explique Ornella Moderan, du think-thank Institut d’études de sécurité (ISS). Inata est “devenu le symbole (…) de l’idée que les politiques ont lâché les forces armées“, dit-elle.

Plusieurs manifestations de colère ont eu lieu ces derniers mois dans plusieurs villes du Burkina Faso. L’état-major militaire a été plusieurs fois remanié pour calmer la troupe. Le chef des putschistes guinéens, le colonel Doumbouya, citait, après le coup d’État, le défunt président ghanéen Jerry Rawlings, lui-même arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1981, selon lequel “si le peuple est écrasé par ses élites il revient à l’armée de rendre au peuple sa liberté“.

 

“L‘échec des démocraties ne peut justifier la résurgence de militaires sur la scène“, affirme Mamadou Konaté, ancien ministre de la Justice malien. Arrivés par les armes ou par les urnes, des militaires ou ex-militaires sont au pouvoir dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest: en Mauritanie, en Guinée-Bissau, en Guinée, au Mali.

Un fonctionnaire de l’ONU, travaillant dans la région sahélienne et s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, juge sèchement: “Il semble qu’une page est en train de se tourner pour les vétérans de la politique ouest-africaine aux politiques publiques non appliquées et aux promesses non tenues“. Mais, se demande-t-il, “est-ce que les militaires pourront faire mieux ?

TV5
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