La France gagnerait à décliner une orientation nouvelle de sa politique à l’égard de l’Afrique

Dans sa chronique de ce dimanche 11 septembre 2022, Nazaire Kadia décrypte les relations entre l’Afrique et la France de Macron.

À mesure que le temps s’écoule, la France digère difficilement la liberté que s’est donnée le Mali de se passer de ses services, et surtout de l’avoir éjectée de son territoire. Dès lors, les autorités françaises ne ratent aucune occasion pour « brocarder » celles du Mali et les accuser et surtout leur en vouloir d’avoir succombé au chant de sirène de la Russie.

Au cours de sa tournée qui l’a conduit au Cameroun, au Bénin et en Guinée Bissau, le président français a embouché sa trompette favorite, pour dépeindre la Russie sous toutes les mauvaises coutures, mettant en garde les africains contre le danger qui les attend dans les rapports que ceux-ci veulent avoir avec la Russie.

Dans la posture d’un professeur dans un amphithéâtre, il s’est évertué à dispenser des cours de géopolitique et de relations internationales à des « étudiants » africains, dont le thème principal est la Russie. Les dirigeants de la transition malienne n’y ont pas échappé.

M. Emmanuel Macron fustige le gouvernement malien, issu selon lui de deux coups d’états et par conséquent illégitime. C’est à croire qu’il lui revient de conférer une quelconque légitimité au pouvoir de la transition, en lieu place du peuple malien. Après l’odyssée du président français et ses volées de bois verts, c’est autour de sa ministre des Affaires Etrangères, Mme Catherine Colonna de prendre le relais et de jouer sa partition dans « le Mali bashing ».

Devant les ambassadeurs français, elle a également fustigé le gouvernement de transition malien, incapable selon elle d’endiguer les menaces terroristes.

Morceau choisi : « …Au Mali, nous voyons progresser les groupes terroristes armés dans tout le pays, les Maliens déplacés par millier…Le régime auteur d’un double coup d’état, s’en prend un jour au Danemark, le lendemain à la Côte d’Ivoire, et toujours à la France, pour tenter de faire oublier qu’il navigue à vue, d’échec en échec, attelé à un groupe de mercenaires russes… ».

Comme on le voit, la France après avoir perdu la main au Mali, est encline à un dépit amoureux (les ivoiriens diraient un goumin), et a véritablement du mal à l’admettre et à s’en remettre. Toutes ces déclarations à l’emporte-pièce, avec une violence incompréhensible, et une volonté manifeste de tourner le pouvoir de Bamako en dérision, sont la manifestation d’un agacement, d’une frustration et la traduction de l’impuissance des autorités française face à une situation qu’elles contrôlaient, et qui a fini par leur échapper.

C’est le lieu de leur rappeler, que leurs cris d’orfraie sur le fait que les africains succombent à la propagande russe, ne prospèrent plus. Il est temps de comprendre que les africains ne sont plus ces grands enfants dont on doit s’occuper, à qui on doit dicter la conduite à tenir et à qui on doit toujours faire la leçon. Ils savent désormais ce qui est bien pour eux et ce qui ne l’est pas.

La France gagnerait à tenir compte de cette évolution, plutôt que de s’arc-bouter sur ses certitudes surannées d’il y a 60 ans.

Comme le dirait quelqu’un : « … le temps qui était le temps n’est plus le temps qui est le temps… ».

Faut-il le rappeler, la coopération de la France avec les pays africains francophones, ne résulte pas d’un choix délibéré de ceux-ci. Elle leur a été imposée.

En effet, de l’exploration à la décolonisation des pays susmentionnés, en passant par la pénétration, la conquête, la pacification et la colonisation, la France a toute seule tracé et modulé le schéma de la coopération avec ses colonies devenues « indépendantes », sans demander leur avis.

Si aujourd’hui des pays comme le Mali, ont décidé de commercer avec la Russie, la Chine ou la Turquie, cela relève d’un choix souverain à respecter. Et si dans le cheminement de cette coopération nouvelle, ces pays tombent de Charybde en Scylla, ils auront eu le mérite de s’être trompés seuls! M. Macron et son gouvernement gagneraient alors à décliner une orientation nouvelle de leur politique à l’égard de l’Afrique, débarrassée du paternalisme, de la condescendance et de l’infantilisation à laquelle ils sont habitués.

Leurs lamentations sur la propagande russe, chinoise et turque, viendront toujours se briser sur le parapluie de l’indifférence et de la moquerie des africains, si tant est que ces pays émergents proposent mieux que n’a eu à le faire la France, 60 années durant, et surtout dans le respect de leur souveraineté.

La coopération avec l’Afrique, doit désormais s’appréhender dans une perspective de rapport gagnant-gagnant, et non celui du cheval et du cavalier, encore moins des leçons à donner en montant sur ses grands chevaux.

M. Macron le sait si bien qu’en début de son premier mandat, il avait promis en finir avec la Franceafrique. Les journalistes et autres analystes français avaient alors affirmé qu’il s’agit désormais de « relations décomplexés avec l’Afrique ».

Mais ça, c’était avant !

Arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai

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