Génocide rwandais: aux assises, les victimes ne demandent « que la justice »

« Rendez-nous justice »: « la voix des morts » a retenti mardi une dernière fois aux assises de Paris où s’achève le procès en appel de deux anciens bourgmestres rwandais, condamnés en 2016 à la prison à vie pour leur participation au génocide des Tutsi en 1994.

« Je suis la voix des morts. Et mes paroles sont les stèles gravées au nom des victimes. C’est par nous que leur mémoire perdurera, c’est le sens du combat judiciaire » 24 ans après les faits, a lancé Michel Laval, avocat d’une quinzaine de victimes.

Les avocats des parties civiles se sont attachés à fixer pour les neuf jurés quelques repères essentiels: la spécificité du crime des crimes, le besoin de justice pour se reconstruire, leur conviction que les deux anciens bourgmestres de Kabarondo, Octavien Ngenzi et Tito Barahira, avaient bien « participé au génocide » dans leur village de l’est du Rwanda en avril 1994.

Le massacre le plus effroyable eut lieu à l’église, le 13 avril, dans cette commune rurale où des milliers de paysans tutsi étaient venus trouver refuge, espérant gagner un sanctuaire, comme l’avaient été les églises lors des pogroms précédents.

Le génocide, qui débute le 6 avril, fit plus de 800.000 morts en cent jours à travers le pays. Plus de 2.000 en une seule journée à l’église de Kabarondo, selon son curé.

« Tuez-les tous, pas pour ce qu’ils ont fait mais pour ce qu’ils sont »: L’avocate de la l’association antiraciste Licra, Sabrina Goldman, a rappelé le moteur raciste du crime.

Au gré des plaidoiries sont apparus à nouveau les visages des victimes. Comme Marie Mukamanana, qui perdit ses sept enfants, « découpés à la machette parce qu’il fallait économiser les balles », a dit son avocate Rachel Lindon. Comme Oscar Kajanage, qui « est un petit peu mort » d’avoir « perdu en dix jours la femme qu’il aimait comme un fou et ses quatre enfants », a expliqué Me Serge Arzalier.

Après deux mois de débats parfois tendus, Me Laval a rappelé aux jurés qu’ils n’étaient « pas là pour juger le régime rwandais » ou « la politique du gouvernement français au moment du génocide »: « vous devez juger ces deux hommes pour ce qu’ils ont fait dans la commune de Kabarondo. C’est votre tâche. Rien d’autre. »

Alors que les accusés nient toute participation aux massacres, les avocats ont rappelé les nombreux témoins venus les impliquer, à des degrés divers, dans le génocide. Me Laval a tonné contre un Tito Barahira qui, au plus fort des massacres, « s’occupe de sa bannaneraie » et imagine que la fumée qui s’échappe de l’église en flammes est peut-être celle de la cuisine des réfugiés.

Me Loïc Padonou, qui s’est rendu à Kabarondo en mai, n’imagine pas Octavien Ngenzi rester assis pendant des heures sans voir ce qui se passe dans l’église en contrebas du bureau communal.

Le réquisitoire a débuté en fin d’après-midi et se poursuivra mercredi. Le verdict est attendu vendredi.

La rédaction

Suivez-nous sur Facebook sur