Exploitation de la bauxite en Guinée : La face sombre de la roche

Le pays possède les plus importantes réserves mondiales de bauxite, mais cette manne importante profite peu à la population guinéenne. Les autorités de transition haussent le ton. Les compagnies minières étrangères tergiversent.

 

La Guinée (Conakry) possède les plus importantes réserves mondiales de bauxite, le minerai utilisé pour la production de l’aluminium. Après le coup d’Etat du 5 septembre 2021, le chef de la junte, le colonel Mamadi Doumbouya a ordonné aux compagnies minières étrangères de construire des raffineries modernes de bauxite pour un partage équitable des revenus dans le but de booster l’économie du pays.

La Guinée abrite plus du quart -voire même du tiers selon certaines sources- des réserves mondiales de bauxite, dont la production nationale est passée de 20 millions de tonnes en 2016 à plus de 72 millions de tonnes en 2022. Les réserves guinéennes de bauxite sont estimées à plus de 40 milliards de tonnes, dont 23 milliards de tonnes localisées dans la région de Boké au nord-ouest du pays selon le ministère guinéen des Mines et de Géologie.
La Guinée est aujourd’hui le deuxième producteur mondial derrière l’Australie et le premier fournisseur de la Chine, le plus important producteur d’aluminium au monde. Ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest « détient plus d’un quart des réserves mondiales de bauxite et a de grandes quantités de réserves de minerai de fer de haute qualité avec, pour la plupart, une teneur supérieure à 60%. Ces gisements sont largement inexploités et représentent ainsi une opportunité majeure pour les sociétés minières », selon le Guide sur le secteur minier en Guinée.
D’après l’US Geological Survey de 2021, une agence scientifique américaine, les réserves mondiales de bauxite se situent principalement dans des zones tropicales et subtropicales telles que la Guinée (24,9 %), l’Australie (17,2 %), le Vietnam (12,5 %) le Brésil (9,1 %) et la Jamaïque (6,7 %). Selon la même source, la Chine n’a que 3,4 % des réserves mondiales et la Russie 1,7 %.
En Guinée, les réserves sont principalement situées dans les régions de la Basse Guinée (Boké, Kindia, Fria, Boffa), la Moyenne Guinée, dans le massif du Fouta-Djalon (Tougué, Pita, Mali, Mamou, Dalaba) et la Haute Guinée (Dinguiraye, Dabola, Siguiri). Mais les observateurs estiment que les populations locales ne bénéficient pas des retombées de la manne de leur sous-sol.

– Des dégâts humains et environnementaux

« Depuis des années, on observe une exploitation hors de contrôle, des dégâts humains et environnementaux… Bref, c’est un scandale géologique, dont les ressources n’ont jamais profité à la population locale. Nous espérons qu’avec les nouvelles reformes du président Doumbouya, nos populations en bénéficieront », a expliqué à l’Agence Anadolu Mamadou Tawel Camara, maire de Boké, zone qui concentre la majeure partie des mines d’or rouge en Guinée.
En octobre 2018 déjà, une étude menée par Human Rights Watch avait pointé dans la zone du nord-ouest de la Guinée la réduction des surfaces cultivables et une baisse des rendements agricoles à cause de l’activité des sociétés minières.
« Pour les communautés locales qui vivent à proximité des mines, le mode de vie a été bouleversé. A proximité des sites d’exploitation, les habitants dénoncent une baisse des niveaux et de la qualité des eaux des rivières et des puits. Dans certaines zones, ils dépendent même des livraisons d’eau en camions-citernes par la société d’exploitation minière. Des émeutes ont éclaté à Boké en avril et en septembre 2017, provoquées par la colère de la population face à l’insuffisance des services à l’échelle locale, en particulier le manque d’eau et d’électricité. On avait enregistré des décès et de nombreux blessés dans ces émeutes », a souligné à Anadolu l’environnementaliste et écrivain Mamadou Saïdou Diallo, auteur du livre La gestion dérogatoire : une stratégie associant péniblement l’État et les communautés locales dans le Parc National du Haut Niger (Guinée).

Selon le gouvernement guinéen, il y a des concertations régulières avec les sociétés minières étrangères pour une cohabitation harmonieuse avec les populations locales.
« Lors de ma rencontre le 31 aout 2022 avec les directeurs généraux des sociétés minières étrangères, je les ai félicité pour leurs contributions au développement communautaire. Ils ont été, par ailleurs, invités à renforcer la cohabitation harmonieuse avec les communautés locales gage d’une licence sociale. Dans cette perspective, je leur ai demandé cordialement de protéger, dans leurs périmètres miniers, les zones agricoles pour que le tandem mine-agriculture soit une réalité pour un développement durable et inclusif » en Guinée, a affirmé à Bernard Gomou, Premier ministre de la Guinée, dans une déclaration à l’Agence Anadolu.

Source : Agence Anadolu

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