Et si l’Afrique refusait le développement ?

Les causes du sous-développement de l’Afrique n’ont généralement que peu de rapport avec les mentalités africaines. Aussi peut-il paraître surprenant d’expliquer la stagnation de l’Afrique par le refus du développement, dans un contexte où la volonté africaine de progrès ne suscite que peu de scepticisme ?En effet, condensées dans un catalogue officiel où l’explication oblique, l’intentionnalité et la conviction préforgée prétendent rendre compte du réel, les causes de la déliquescence de l’Afrique constituent une sorte de prêt-à-penser permettant, à la fois, de faire l’économie d’une réflexion approfondie sur les motivations réelles des Africains, et de pérenniser une situation catastrophique à plus d’un titre.

Or, il n’est pas sûr que l’état de civilisation actuel de l’Afrique, marqué par l’extension, au cours de ces dernières années, de la misère et de la précarité à la quasi-totalité des couches sociales, autorise encore longtemps les louvoiements et les ronds de jambe. De nombreux éléments indiquent que les mythes post-coloniaux créés par la génération des indépendances ont désormais atteint leur rendement maximal en tant que facteurs de régulation sociale.

L’Afrique actuelle se caractérise, en effet, par une sorte de fièvre, d’explosion d’ambitions longtemps contenues qui, faute de trouver à s’employer utilement, menacent de saccager les fondements mêmes de sociétés historiquement myopes, et toujours plus inégalitaires.

Tout se passe comme si les raccourcis, les clichés brandis jusqu’ici pour masquer la profonde inertie d’un continent engagé depuis trente ans dans un obscur processus de développement, commençaient à craquer sous le poids d’insoutenables contradictions idéologiques et économiques.

L’Africain deviendrait-il exigeant? Qu’adviendra-t-il de la flambée actuelle de violence qui, du Sénégal au Gabon, en passant par la Côte-d’Ivoire, le Niger et le Bénin, sème un peu partout de gros points d’interrogation à propos de l’avenir?

Après trente années de léthargie sociale, une génération à la dent dure a émergé. En quête de réponses dangereuses peut-être, mais à tout prendre plus satisfaisantes pour l’esprit que l’espèce de « bouc émissairation » qu’on lui a proposée dès le berceau, elle refuse de pâtir plus longtemps d’incohérences africaines visibles à l’œil nu, réclame un peu plus de clarté, de limpidité, de conséquence, de dignité.

Axelle Kabou

Source: Le Démocrate- Mali

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